« Promettez vous de rechercher ce qui unit et non ce qui divise ? »
C’est la question qui m’a été solennellement posée en intégrant l’Eglise Réformée il y a presque 20 ans. Si dans l’absolu l’intention est louable comment dans le contexte actuel de réinvention de l’Eglise le pasteur peut-il honorer cet engagement ? Dans la situation actuelle d’une polarisation entre conservateurs et progressistes on observe que l’énergie des débats se manifeste le mieux précisément dans ces polarisations si bien que pasteur contemporain est condamné à jongler entre cette continuité dont il est le représentant et l’innovation qui est la marque de l’époque ?
Dans un contexte socio-culturel qui favorise l’expression de l’individu face à l’institution qui est par défaut pour le moderne contestable, comment le pasteur de paroisse jongle t-il entre directives institutionnelles et désiratas de paroissiens exposés aux expériences de renouvellement et de réinvention de l’Eglise ?
Le vrai défi semble être celui d’arriver à maintenir dans un dialogue constant continuité et changement. Un dirigeant est responsable de ces deux missions.
Le rôle des paroisses et de l’institution semble lui aussi avoir changé. Alors que dans les années 80 l’institution avait pour rôle de soutenir, outiller et cadrer la vie des paroisses il est de plus en plus fréquent de constater qu’aujourd’hui certaines expériences dans les paroisses locales revalorisent et modernisent l’image de l’institution. Rien d’étonnant à cela, car c’est dans la paroisse que s’organisent les débats, et se vit une spiritualité engagée avec ses changements et adaptations. Evidemment le rôle du progressiste est toujours plus enviable que celui du vieux grincheux réactionnaire…
L’Eglise se diversifie et se métamorphose pour ne citer que les Eglises de maison en Chine, les nouvelles communautés monastiques nord-américaines ou les « fresh expressions » anglaises. Au confluent de ces vastes transformations se tient le pasteur qui est sensé interpréter ces nouvelles formes d’être Eglise, maintenant en tension continuité et changement.
La survivance des grandes Eglises historiques ne s’opèrera que par l’expérimentation et l’innovation à la recherche d’une forme de Christianisme pour aujourd’hui.
En tant que pasteur d’une de ces Eglises historiques je suis appelé à assurer une loyale continuité et dans le même mouvement accueillir le changement. Dans une tendance qui se dessine comme étant toujours moins institutionnelle ce rôle devient également de plus en plus complexe. Je dois à Edwin Friedman dans son « A Failure of Nerve: Leadership in the Age of the Quick Fix,” Church Publishing, l’observation suivante qui est des plus pertinentes: « Dans un quelconque système ceux qui veulent questionner les rouages institutionnels le font au nom de la liberté; à l’opposée ceux qui veulent maintenir l’institution et ses rouages parlent du risque de délitement. »
Le grand virage à négocier pour l’Eglise d’aujourd’hui sera de trouver un chemin entre liberté et délitement. Tenir ensemble et faire dialoguer continuité et changement, une voie délicate et parfois douloureuse mais incontournable pour les Eglises qui veulent être là demain.
Richard Falo