Le dimanche après l’Epiphanie est consacré au baptême du Christ et c’est sur cet élément du récit – le baptême – que porte généralement la réflexion. Jean-Baptiste est rugueux et pas vraiment diplomate c’est ce qui nous fait passer à côté de sa prédication dont nous avons ici l’essentiel. On comprend les hésitations à mettre en avant la prédication du Baptiste: trop radicale, trop à gauche, trop engagée socialement, trop tout pour être recevable par tous. De fait, Jean nous fait immédiatement penser à nos activistes modernes, ceux qui dénoncent, interpellent et fustigent les dérives du pouvoir, les Assange, Thunberg et autres agitateurs.
« C’était la quinzième année du règne de l’empereur Tibère; Ponce Pilate était gouverneur de Judée, Hérode régnait sur la Galilée et son frère Philippe sur le territoire de l’Iturée et de la Trachonitide, Lysanias régnait sur l’Abilène, Hanne et Caïphe étaient grands-prêtres. La parole de Dieu se fit alors entendre à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Jean se mit à parcourir toute la région voisine de la rivière Jourdain. Il lançait cet appel : « Changez de comportement, faites-vous baptiser et Dieu pardonnera vos péchés. » Ainsi arriva ce que le prophète Ésaïe avait écrit dans son livre « Un homme crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, faites-lui des sentiers bien droits ! Toute vallée sera comblée, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les courbes de la route seront redressées, les chemins en mauvais état seront égalisés. Et tout le monde verra le salut accordé par Dieu. » Une foule de gens venaient à Jean pour qu’il les baptise. Il leur disait : « Bande de serpents ! Qui vous a enseigné à vouloir échapper au jugement divin, qui est proche ? Montrez par des actes que vous avez changé de mentalité et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : « Abraham est notre ancêtre. » Car je vous déclare que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire des descendants d’Abraham ! La hache est déjà prête à couper les arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. » Les gens lui demandaient : « Que devons-nous donc faire ? » Il leur répondit : « Celui qui a deux chemises doit en donner une à celui qui n’en a pas et celui qui a de quoi manger doit partager. » Des collecteurs d’impôts vinrent aussi pour être baptisés et demandèrent à Jean : « Maître, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites pas payer plus que ce qui vous a été indiqué. » Des soldats lui demandèrent également : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur dit : « Ne prenez d’argent à personne par la force ou en portant de fausses accusations, mais contentez-vous de votre solde. » Le peuple attendait plein d’espoir : chacun pensait que Jean était peut-être le Messie. Jean leur dit alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais celui qui vient est plus puissant que moi : je ne suis pas même digne de délier la courroie de ses sandales. Il vous baptisera avec le Saint-Esprit et avec du feu. Il tient en sa main la pelle à vanner pour séparer le grain de la paille. Il amassera le grain dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s’éteint jamais. » C’est en leur adressant beaucoup d’autres appels encore que Jean annonçait la Bonne Nouvelle au peuple. Cependant Jean fit des reproches à Hérode, qui régnait sur la Galilée, parce qu’il avait épousé Hérodiade, la femme de son frère, et parce qu’il avait commis beaucoup d’autres mauvaises actions. Alors Hérode commit une mauvaise action de plus : il fit mettre Jean en prison. Après que tout le monde eut été baptisé, Jésus fut aussi baptisé. Pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit et le Saint-Esprit descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et une voix se fit entendre du ciel : « Tu es mon Fils bien-aimé ; je mets en toi toute ma joie. » Luc 3 : 1-22
Le Baptiste est tout sauf un de ces personnages insignifiants et mièvres que l’on croise dans les pages de la bible. Sa prédication est rugueuse, féroce et cinglante allant jusqu’à déclarer que son auditoire n’est qu’une bande de serpents. Emporté par sa soif de justice il finit par menacer ses auditeurs du feu éternel. Le bois mort qui ne produit plus aucun fruit n’a qu’un destin: le feu.
On imagine Jean vociférant, habité d’une colère qu’à une autre époque on aurait qualifiée de sainte. Jean est l’héritier de ces prophètes des temps anciens qui dénonçaient les élites corrompues. Il appelle certainement au repentir et au retour vers plus de justice, ses paroles annoncent le jugement à venir mais on aurait tort de le classer parmi les prédicateurs hystériques et moralisateurs qui font de leur frustration et colère intérieure le moteur de leur prédication. La purification spirituelle n’est pas l’essentiel de sa prédication.
Jean a autre chose à l’esprit.
Cette « bonne nouvelle » telle que le baptiste la définit est un type de comportement qui dans l’esprit du prophète devrait présider aux rapports sociaux. Jean s’ancre dans le monde réel, celui du travail et des interactions sociales.
Pour preuve, par trois fois ses interlocuteurs vont lui poser une question honnête qui demande une réponse honnête : « Que devons-nous faire ? » Les réponses de Jean indiquent un programme de partage juste et équitable des richesses, le rejet de la corruption et de l’abus de pouvoir auxquels s’adonnent les puissants.
L’appel de Jean à l’obéissance est plus qu’un appel à plus d’éthique individuelle ; il adresse la question des rapports sociaux et celle de ce que le citoyen lambda accepte des institutions qui nous gouvernent.
Si le baptême est un bon début, ce n’est pas la fin du programme de Jean. Il y a quelque chose de radicalement politique dans son message et c’est ce qu’Hérode percevra très bien puisque Jean finira en prison pour avoir dénoncé l’impunité du tyran. Vu sous cet angle et alors que nos lanceurs d’alertes sont fustigés voire emprisonnés comme le courageux J. Assange et autre Thunberg le message du Baptiste redevient curieusement très actuel.
Luc qui nous raconte cette histoire mettra son talent à bien nous faire comprendre que ce n’est pas dans les cercles politiques des puissants consciencieusement énumérés dans le prologue que se déroule l’action divine. L’action spirituelle se déroule dans les étables, dans la poussière des villes et villages de Galilée, dans le désert. Ce sont les foules, et non les dirigeants politiques qui reçoivent la bonne nouvelle. C’est une bonne nouvelle pour ceux qui n’ont pas de manteau, les sans-rien, ceux qui ont été racketés ou violentés par les représentants du pouvoir.
Pourquoi est-ce une bonne nouvelle ? Parce qu’il y a quelqu’un de plus puissant que le Baptiste qui vient remettre de l’ordre dans ce monde à la dérive. Et lui ne baptise pas d’un peu d’eau mais d’Esprit et de feu.
Il est étrange qu’alors qu’on nous présente ce puissant justicier nous le trouvions à genoux. Ce Jésus aussitôt baptisé se met à prier. Peut-être est-il en train de prier pour son ami qui va être jeté dans la prison du tyran pour y être décapité. L’élimination de ceux qui se révoltent n’est hélas pas nouvelle.
Curieusement aucun feu ne descend du ciel pour envoyer en enfer ceux qui ont abusé du pouvoir. A la place du feu arrive une colombe – incarnation du Saint-Esprit – et on entend une voix expliquer que ce Jésus est le Fils bien-aimé du Père.
Ce récit du baptême de Jésus annonce la venue de l’Esprit qui descendra de manière non-discriminatoire sur des gens tout à fait ordinaires que l’on trouve au livre des Actes au chapitre 2.
À l’image de ce qui se passe lors du baptême de Jésus en Luc 3, en Actes 2 le baptême est suivi d’une prière ardente accompagnée d’un changement des rapports interpersonnels et des interactions sociales dans la toute jeune communauté chrétienne de Jérusalem. Cette communauté –dont on raconte que le jeune Marx méditait le fonctionnement — ressemble à la société idéale.
Le récit du baptême de Jésus dictera les liturgies baptismale de l’Eglise ancienne qui toutes incluaient une renonciation à abuser de nos positions, une résistance au mal et à l’oppression et exigeaient le combat pour plus de justice.
Evidemment en 2021, avec des demandes de baptêmes en chute libre, on hésite à mettre la barre des engagement des parrains et marraines un peu trop haut… Il n’empêche que l’on est en droit de se demander si la reprise dans nos cercles Réformés de ces liturgies plus musclées ne contribuerait pas à rendre leur mordant au Eglises, la question reste ouverte…
Le sermon de Jean est l’occasion de se souvenir que le but du baptême n’est ni d’être le premier acte d’obéissance du chrétien, ni de remplir de vénérables registres classés au fond d’une sacristie poussiéreuse qui seront — ou pas– consultés par d’improbables successeurs.
Le baptême a pour but de faire de nous de sérieux acteurs du combat pour plus de justice et de solidarité au nom de celui qui les a le mieux incarnées.
Richard Falo
Photo : Jean baptisant Jésus, Eglise I Yesus, Axum, Ethiopie
Bonjour Richard,
A part ton article que je vais lire avec plaisir, je me demande pourquoi ton mail m’est envoyé sous le nom comme sur la photo ci-jointe !?
Cordialement,
Laure R.
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Hello Laure,
content d’avoir de tes nouvelles, j’espère que tu as bien commencé la nouvelle année. Je n’ai pas la réponse à ta question mais si tu reçois un mail avec toute nouvelle publication c’est que tu t’es abonnée avec une adresse mail, peut-être est ce une ancienne adresse avec cette photo qui est stockée sur un serveur quelque part ?
amicales salutations,
Richard
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