Tension de surface

Matthieu 14: 22-33

Enfant j’habitais non loin d’un ruisseau et c’est là que j’ai vu pour la première fois quelque chose marcher sur l’eau, c’était une de ces araignées et je me demandais comment elle parvenait à faire ça.

Mon ami était le fils de l’instituteur du village et suite à ma stupéfaction son père lui a parlé de la « tension de surface ». Un phénomène physique qui explique qu’une tension se produit quand des molécules de milieux différents se rencontrent. J’ai rangé cette information dans ma mémoire au cas où si un jour quelqu’un allait me demander pourquoi les araignées marchaient sur l’eau, je pourrais doctement lui répondre : « tension de surface mon cher, tension de surface…»

De la tension il y en a à la lecture de ce texte qui relate que Jésus marchait sur l’eau contrairement à ce que nous expérimentons au quotidien. Je n’ai jamais vu un homme marcher sur l’eau à part mon cousin quand il a réussi à faire du ski nautique, mais ce n’est pas la même chose…. si le bateau qui tirait mon cousin s’était arrêté brusquement, ce dernier aurait coulé comme une pierre. 

Matthieu nous raconte que non seulement Jésus mais aussi Pierre ont marché sur l’eau. 

Pour certaines personnes, bien qu’elles ne l’admettent pas –et surtout pas à l’église — c’est difficile à croire. Des chrétiens sincères qui ont du mal à croire que les choses se sont réellement passées comme Matthieu les raconte.

Luc était peut-être un de ces sceptiques, car si on trouve des versions de cette histoire dans Marc et Jean, vous ne la trouvez pas dans l’Évangile de Luc.   Pour une raison quelconque, Luc le médecin passé par l’académie à l’esprit critique a laissé cette histoire en dehors de l’évangile qu’il écrivait.  Peut-être que son esprit rationnel ne pouvait tout simplement pas y croire.

Cela pose la question qui divise fondamentalistes et chrétiens de tradition : Faut-il aveuglément croire tout ce que dit la Bible ? Dans certains milieux cette question est quasiment blasphématoire et il est mal vu de questionner certains passages.  Certains chrétiens se réunissent pour discuter de qui croit le plus au récit biblique. On pourrait se diviser à propos de cette histoire de Jésus marchant sur l’eau. 

Quelqu’un demanderait:

« Crois-tu que la Bible est vraie? Oui. « Tout ? » Oui. «Même cette histoire de Jésus marchant sur l’eau?» Oui. 

« Littéralement ? Euh … peut-être… »

«Ah! Tu ne crois donc pas au Dieu des miracles ! 

Voyez à quelle vitesse des croyants bien intentionnés peuvent se diviser entre ceux qui affirment que tout dans la Bible est historiquement factuel et ceux qui en doutent. 

Nous pourrions jouer à ce petit jeu :

-« Si vous croyez que le soleil s’est arrêté comme il est dit dans Josué 10 :13, mettez-vous de ce côté de l’église et si vous n’êtes pas sûr, asseyez-vous là-bas. » 

-« Si vous croyez qu’un poisson a avalé un homme appelé Jonas mettez-vous de ce côté de l’église, mais si vous ne le croyez pas mettez-vous là… »

 Certains font de la croyance en la vérité historique des Écritures un critère d’authenticité de la foi, faisant subir aux autres une sorte d’évaluation de leur croyance.  

Mais posons-nous la question : à quoi cela sert-il sinon de faire en sorte que certaines personnes se sentent supérieures à celles qui sont incapables de museler leur scepticisme et incapables de tout prendre à la lettre. 

La question pertinente face à un passage comme celui-ci n’est pas:

«Est-ce vraiment arrivé de cette façon ? mais plutôt : Qu’est-ce que ce texte essaie de me dire? » 

Revenons-en au texte de ce jour : Pourquoi Jésus a-t-il marché sur l’eau ? Certainement pas pour épater la galerie, prouver que cela pouvait être fait ou soumettre les croyants au test de la croyance en ce qui paraît incroyable.  

Il l’a fait parce que ses disciples étaient en difficulté sur la mer de Galilée à l’heure la plus sombre de la nuit, ramant durement et secoués par le vent et les vagues. Jésus voulant les rassurer vient vers eux et n’ayant pas de bateau il marche… c’est pas plus compliqué pour Matthieu. 

Pierre l’apercevant, décide d’aller vers lui mais dans cette mer agitée, le vent hurlant dans les oreilles, il quitte Jésus des yeux et commence à s’enfoncer. 

«Seigneur, sauve-moi !  » s’écrit-il. Aussitôt Jésus lui tend la main et le ramène dans la barque. 

Parfois, les gens utilisent ce passage comme une preuve de foi. Ils disent: «Vous voyez ? Si vous avez assez de foi, vous pouvez marcher sur l’eau !  » N’est-il pas intéressant de constater qu’au cours de toutes les années qui se sont écoulées depuis l’apparition de ce récit jusqu’à aujourd’hui que personne n’a jamais rapporté qu’il avait vu une personne marchant sur l’eau, si on met à part mon cousin… 

 Il y a eu beaucoup de gens de foi, et certains d’entre eux avaient plus de foi que Pierre, pour autant aucun n’a marché sur l’eau, ni St. Augustin, ou François d’Assise, ou Mère Teresa ou Martin Luther King…

Jésus ne réprimande pas Pierre pour son incapacité à croire qu’il peut marcher sur l’eau, mais pour son incapacité à croire tout court. 

Jésus et Pierre montent dans le bateau et quand ils le font le vent cesse, les vagues se calment. Il y a une longue pause puis l’un d’eux se risque à cette affirmation : «Vraiment, tu es le Fils de Dieu! » 

Que l’on croit cette histoire ou pas nous avons notre place dans l’église comme Pierre dans la barque. Car alors même que Jésus réprimande Pierre pour son manque de foi, il le fait remonter dans la barque, cette barque qui depuis l’origine était une image de la communauté. 

Avoir la foi ne consiste pas en un concours à celui qui croira le plus d’histoires improbables. 

Ce que l’on sait c’est qu’en l’espace de quelques minutes, une amicale de disciples entassée dans une barque a cessé de crier « C’est un fantôme! » pour arriver à ce formidable: « En vérité, tu es le Fils de Dieu. » 

Ils sont passés de la peur … à la confiance, et cela c’est bien plus pertinent que de marcher sur l’eau. 

Alors que la pandémie bouscule nos existences et que des pertes d’emplois se profilent à l’horizon et que le sentiment diffus de perdre pied se propage le message de Matthieu avec son histoire à dormir debout resterait le même : « Toi qui a le sentiment de sombrer dans tes peurs, doutes et angoisses fais le choix de la confiance et passe de la crainte à la foi. »

Amen

Tableau: Julius Sergius Von Klever, Christ walking on water

2 Replies to “Tension de surface”

  1. Merci pour ces lignes sur la tension de surface. J’ai aimé la peinture représentant Jésus marchant sur les eaux troublées de l’océan. J’y vois la supériorité normale du fils du Créateur dominant les eaux qu’Il a créées.
    Si Jésus a été engendré à l’image de l’Homme, pourquoi ne pas pensé que quelquefois il puisse se comporter à l’image de son Père? Ne sont-ils pas tout-puissants?
    Merci aussi pour ton encouragement à dominer nos peurs du Covid19, peste moderne dont on ne connaît pas encore le remède. Il nous faut vivre quand même, mesurant la prudence et la confiance de manière sensée.

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    1. Hello Laure,

      cette double nature de Jésus est ce qui stimule ma réflexion, elle génère des interrogations comme: tout-puissant oui mais pas tout le temps et de condition humaine avec ses faiblesses mais pas tout le temps ! Cela contribue au mystère qui entoure sa personne, un mystère qui nous prive de pouvoir caser le fils de Dieu dans une case 🙂

      Amicales salutations,

      Richard

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